Présentation

Au-delà du simulacre

      Plutôt que d’interpeller le corps en tant que miroir des humeurs de son époque, en voilà un artiste qui, de son côté, soulève des questions sur le corps mais en tant que tremplin pour une peinture guidée par l’expressivité et le geste spontané.

       La peinture d’Abdelaziz Abdouss laisse entendre, d’emblée, une  rupture délibérée avec un héritage figuratif dont l’artiste pourtant ne saurait nier ni l’inspiration ni le métier.L’énigme est, pour le moins qu’on puisse dire, révélatrice d’une peinture pas nécessairement hermétique mais digne d’approche sinon de sublimation, autant elle séduit et amène maintes interrogations.

        Pas du tout indécis ni ambigu, Abdelaziz Abdouss est entré par la toute petite porte. Peintre autodidacte, il a passé près de  sept années d’exercice en atelier, en compagnie d’un célèbre peintre français, une expérience couronnée par une maitrise assez rare des secrets et recettes de la peinture.

        Le plasticien a trop longtemps travaillé à l’ombre, n’ayant pas du tout été pressé d’exhiber ses créations, sinon une timide sortie à Marrakech et quelques participations presque indifférentes à des accrochages collectifs toutefois sans tapage.

         Après une étape essentiellement figurative laquelle annonçait déjà une quête de délivrance préméditée par maintes audaces de plasticien pas à son aise dans la simple représentation bien assise , l’artiste  se libère progressivement

        Ne laissant du corps, au départ, qu’un arrière-fond, ou un œil rendu curieusement avec une minutie, une virtuosité à la limite du trompe-l’œil, le peintre, tout de suite, se dérobe et s’en va, dans des arcades en amas, des touches, des jets ou appositions de matières évocatrices de formes plutôt insaisissables.

         Serait-ce une chevauchée, quelque cheval cabré, un élan d’oiseau géant, ou encore un envol de colombe ou d’immense papillon ?  Bien plus encore, à force de scruter de loin la toile on dénoterait ,à moins  d’un big-bang insinué, des semblants de bouts de nuées empreintes de vie sinon d’animisme extraordinaire. Une imagerie qui déroute .Le renégat qu’est l’artiste s’y plait pourtant fort bien.

       Autant  de perceptions d’imagier insolite  lesquelles, à ses yeux, deviennent des notes de vibrations. Des élans précipités que le peintre a  enregistrés  pour en faire échos dans ses toiles, quand émergent des couleurs émanant des réminiscences  de ces teintes multicolores des fils de laine, tissés par sa mère  que l’artiste ,encore enfant , contemplait ,adossé sur les jambes de son auguste génitrice,ou, du moins c’est ce que laisse entendre cet attachement du plasticien aux couleurs du terroir. Plutôt que d’enregistrer des croquis ,le peintre a gardé juste des états d’âme, une confirmation de cette entreprise de dépassement de la simple représentation, de manière à dire un instant, une émotion dans le langage du geste élancé, de la touche hagarde.

         Dés lors , avec cette danse des formes plutôt ineffables, le plasticien nous fait part, spontanément  de  ses pulsions internes. L’artiste le révèle sans masque. ‘’Quand je me libère, je  crée mieux’’ , dut –il me confier.

         Ainsi s’explique cette quête convaincue, non seulement des effets de la couleur mais aussi de la matière que le plasticien tente d’apprivoiser par maints artifices de maitre  artisan, outre cette recherche préméditée de son langage propre pour dire que les formes engendrées étaient son alphabet bien à lui.

        Le regardeur avide de clichés, de catalogages n’y verrait que mirage. C’est que le créateur emprunte à l’abstraction lyrique ce champ peuplé de formes allusives, au tachisme cette technique gestuelle irréversible .

       Point d’effaçable. La sensation est lâchée vive sur le support. Néanmoins ,il n’est pas question de céder au joug de la matière car, à ce penchant irrésistible  à la matière s’ajoute une écriture gestuelle qui procure un animisme extraordinaire à  ces formes ailées auxquelles il ne manquerait que les organes reconnaissables du vivant pou donner naissance à une création  uniforme mais vivace qui va au-delà du simulacre avec cette quête de substituts aux iconologies sans cesse ressassées.

         Abdelaziz ABDOUSS  révèle un art   au contenu pas nécessairement narratif mais qui se prête à moult interprétations ,quand  le sujet  n’est qu’envolée, et le support un véritable exutoire qui a permis à l’artiste d’extérioriser des sensations dans une peinture  délibérément déstructurée et des formes  réalisées avec une grande part d’improvisation.  Une dérision déclarée du simulacre d’autant plus que les images, faut-il en convenir, ne font pas nécessairement référence à la réalité.

         Avec ce privilège de l’informel faute de sujets dignes de sublimation, dans une peinture hybride qui bouscule mais amène à réfléchir, Abdelaziz ABDOUSS étale des sensations encore imagées que l’on dirait en quête de libération,  pour une issue salvatrice aussi bien en art que dans le labyrinthe des valeurs en mal de providence.

                                                                        Critique d’art

    Ahmed FASSI       

Le travail de Abdelaziz Abdous relève de l’abstraction lyrique. Ses œuvres laissent entrevoir ses émotions, son ressenti du contact humain qu’il a pu tisser jusque-là.

Au cœur de son atelier silencieux niché au cœur des anciens abattoirs de Casablanca, il nous décrit son travail artistique, les larmes aux yeuses lorsqu’il évoque la souffrance des personnes qu’il observe au quotidien, qu’il retranscrit sur sa toile d’un geste vif, couche sur couche sur énième couche, presque à l’infini….

Des couches épaisses de peinture qui nous laissent imaginer un corps, un visage, une ombre humaine. Le corps humain en mouvement est l’élément central de son processus créatif. A l’aide d’un couteau et de ses doigts, sans pinceau, il effectué des dégradés de couleur sur fond blanc, rouge, ou jaune, qui reliés bout à bout nous donnent à contempler des formes étranges.

En s’y penchant de plus près, la lecture de l’œuvre devient plus limpide. Elle n’est autre que le miroir de notre être et de ce qui s’y cache au plus profond de nous-même.

La peinture à ce pouvoir parfois de rendre visible ce qu’on peut percevoir comme invisible : Nos peurs, nos démons, nos souffrances mentales, nos tensions du quotidien. Chez Abdous, la peinture devient presque un voyage dans le monde du questionnement intérieur.

N’est-ce pas là le rôle de l’artiste ? Un témoin de son temps ? Un miroir des réalités de notre être ? Certains diront oui. D’autres verront en l’artiste un rôle moins sociétal. Pour Abdous, « l’artiste se doit d’être un témoin de son temps ».

Abdous, lui, redessine le monde à sa manière, en plaçant l’humain au cœur de sa démarche artistique. L’observation assidue de ce qui l’entoure le laisse percevoir la manière la manière dont le monde d’aujourd’hui conditionne nos mouvements, notre mental, nos pensées.

Chaque mouvement a pour l’artiste une signification cruciale. Ces personnages qui bougent sont en réalité à la recherche d’eux même, dans un monde individualiste où tout va si vite, ne laissant plus la place aux questionnements intérieurs, où le mal être est certainement omniprésent.

L’artiste aborde nos maux sous un angle optimiste lorsque les couleurs éclatantes surgissent de l’œuvre. Des couleurs faisant référence aux couleurs des tapis Amazigh que la mère de Abdous tissait sous ses yeux durant son enfance, lui empruntant cette même technique de tissage pour peindre ses toiles.

Sa mère étant une source d’inspiration infinie pour l’artiste, ce n’est pas anodin que la femme ait une si grande place dans le travail de Abdelaziz. Les mouvements abstraits qui surgissent de la toile donnent souvent à contempler des corps féminins, tantôt allongés, tantôt courbés.

Abdous est un artiste au grand cœur, d’une immense générosité. Sa sensibilité le pousse à aider les jeunes en difficulté, en leur ouvrant son atelier dans le cadre du processus d’art-thérapie. A l’étage, une succession de pièces réalisées par des enfants, adolescents et adultes souffrants de troubles mentaux, qui ont vu leur blocage disparaitre grâce à l’acte de peindre. « La peinture, en permettant d’extérioriser nos maux, est une source de guérison », précise l’artiste. Il est d’ailleurs à la tête de l’association Marocaine « l’Art pour tous », qui a pour but de rendre l’art accessible à tous, en organisant divers ateliers et manifestations artistiques.

Au fil des années, Abdelaziz Abdous a réussi à imposer une signature singulière, où l’on décode des personnages tourmentés, habités par un mal intérieur, que la couleur à réussi à embellir. En y apportant cette luminosité, l’art est perçu comme un moyen de guérison.

Une chose est sûre, en plongeant notre regard au cœur de son œuvre, on y retrouve un bout de soi, de nos multiples questionnements.

Abdous n’est pas seulement artiste peintre. En visitant son atelier, on y découvre des sculptures en bronze majeures ainsi que des prototypes miniatures. Dans une des salles de son atelier, il nous présente son projet de sculpture d’un ancien combattant marocain de l’Alsace, mort pour la France pendant la seconde guerre mondiale, lorsque le Maroc était placé sous protectorat Français. Contre les nazis, le peuple marocain manifeste sa solidarité pour la France.

Comme un rappel de ces hommes Marocains morts pour la patrie Française, Abdelaziz a pour projet la réalisation d’une sculpture du soldat Marocain, de 3 mètres de hauteur, dont les toiles qui en sont la continuité, évoquent la souffrance endurés par les soldats marocains, fusionnant avec celle que nous vivons dans nos sociétés contemporaines…

                                                     Salma Naguib

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